vendredi 29 mars 2024

Bernard Lugan: Au Sahel, le bilan d’une décennie d’implication française est catastrophique

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Sous l’intitulé: « Terrorisme sahélien: Entre alibi religieux, revendications ethniques et sécurisation des trafics, l’heure du bilan est venue »,  l’historien Bernard Lugan, spécialiste de l’Afrique, vient de publier sur son blog un article où il décortique la situation au Sahel, suite au désengagement de la France et le départ du dernier solda de l’hexagone qui met fin à neuf ans d’opérations militaires dans le Mali.

En effet, les derniers soldats français encore présents au Mali ont définitivement quitté, lundi 15 août À 13 h (heure de Paris), le pays, après le transfert aux forces maliennes de la base de Gao. Le dernier détachement de la force Barkhane a franchi, lundi 15 août, la frontière entre le Mali et le Niger, mettant fin à neuf ans d’opération militaire visant à éradiquer le terrorisme dans la région.

Selon l’historien Bernard Lugan, « Le bilan politique d’une décennie d’implication française est donc catastrophique ».

 La situation au Sahel, écrit ce spécialiste de l’Afrique « semble être désormais hors contrôle. Exigé par les actuels dirigeants maliens à la suite des multiples maladresses parisiennes, le retrait français a laissé le champ libre aux GAT (Groupes armés terroristes), leur offrant même une base d’action pour déstabiliser le Niger, le Burkina Faso et les pays voisins… »

« Un désastre qui s’explique par une erreur originelle de diagnostic. La polarisation sur le jihadisme fut en effet l’alibi servant à masquer la méconnaissance des décideurs français, doublée de leur incompréhension de la situation, le jihadisme étant d’abord ici la surinfection de plaies ethniques séculaires et même parfois millénaires. » souligne Bernard Lugan.

Et l’historien français d’ajouter que : »Cesser de voir la question du Sahel à travers le prisme de nos idéologies européo-démocratico-centrées et de nos automatismes, est désormais une impérieuse nécessité. Replacer les événements actuels dans leur contexte historique régional est donc la première urgence puisqu’ils sont liés à un passé toujours prégnant  conditionnant largement les choix et les engagements des-uns et des autres. »

L’historien Bernard Lugan ne cesse de le dire et de l’écrire depuis des années, notamment dans son livre « Les Guerres du Sahel des origines à nos jours », au Mali, les décideurs français ont additionné les erreurs en raison d’une fausse analyse consistant à voir le conflit à travers le prisme de l’islamisme

Or, ici, écrivait Lugan, en avril 2022, dans un article intitulé: « Comment s’explique l’échec français au Mali », l’islamisme est d’abord la surinfection de plaies ethno-raciales millénaires qu’aucune intervention militaire étrangère n’était par définition en mesure de refermer.

 De plus, ajoute Lugan, au moment où de plus en plus d’Africains rejettent la démocratie à l’occidentale, la France s’arc-boute tout au contraire sur cette idéologie vue en Afrique comme une forme de néocolonialisme.

Plus que jamais, souligne l’historien Bernard Lugan, « les dirigeants français auraient donc été inspirés de méditer cette profonde réflexion que le gouverneur général de l’Afrique-Occidentale française (AOF) fit en 1953 :Moins d’élections et plus d’ethnographie, et tout le monde y trouvera son compte… En un mot, le retour au réel africain et non l’incantation aux idéologies plaquées. »

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