jeudi 28 mars 2024

Que révèlent les premières images prises par le télescope James Webb?(Photos)

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« Époustouflant ! Incroyable !» se sont exclamés les scientifiques et le grand public en découvrant les premières images croquées par le télescope James Webb. Ces clichés, pris au cours des dernières semaines, et pour le moins spectaculaires, en effet, révèlent des détails encore jamais entrevus. Six mois après son lancement, le télescope spatial le plus puissant du monde fonctionne à merveille, voire «au-delà des espérances», comme en témoignent ces prodigieuses épreuves obtenues durant sa période de mise en opération.

Une première image a été dévoilée en avant-première lundi soir à la Maison-Blanche, en présence du président américain, Joe Biden. Il s’agit de l’image du «champ profond de Webb», l’image la plus profonde et la plus nette jamais obtenue de l’Univers lointain dans le rayonnement infrarouge.

Dans cette image apparaît l’amas de galaxies SMACS 0723 tel qu’il était il y a 4,6 milliards d’années, et dans lequel est rassemblé une multitude de galaxies de différentes couleurs ayant chacune des particularités différentes.

Photo: NASA, ESA, CSA et STScI L’amas de galaxies SMACS 0723

La masse combinée de toutes les galaxies de cet amas joue par ailleurs le rôle de lentille gravitationnelle qui a permis de grossir et mettre en évidence des galaxies beaucoup plus lointaines, qui s’étaient formées il y a moins d’un milliard d’années après le Big bang, qui aurait eu lieu il y a environ 13,5 milliards d’années.

Voir l’invisible

« En travaillant dans l’infrarouge, le télescope James Webb permet de voir plus loin dans l’Univers que le télescope Hubble. Par un phénomène semblable à celui de l’effet Doppler (qui fait que la fréquence du son émis par un train, par exemple, change selon que celui-ci s’approche ou s’éloigne), la longueur d’onde de la lumière qui nous arrive des galaxies lointaines, — lesquelles s’éloignent de nous de plus en plus rapidement en raison de l’expansion de l’Univers — est étirée et se retrouve ainsi dans l’infrarouge. Pour Hubble, qui regarde surtout dans le visible, ces objets devenaient donc invisibles. Avec Webb, on pourra donc reculer plus loin dans le temps. On devrait pouvoir remonter à quelques centaines de millions d’années après le Big bang », explique Erick Dupuis, directeur du développement de l’exploration spatiale à l’Agence spatiale canadienne.

Le second cliché qui nous a été révélé, mardi, est plutôt celui du spectre de l’atmosphère de l’exoplanète WASP-96 b située à 1150 années-lumière de nous et qui tourne autour d’une étoile semblable au Soleil.

 

 Photo: NASA, ESA, CSA et STScI Le spectre de l’atmosphère de l’exoplanète WASP-96 b

Pour ce faire, l’instrument canadien NIRISS (imageur et spectrographe sans fente dans le proche infrarouge) a capté le spectre de la lumière de l’étoile ayant traversé le petit anneau d’atmosphère entourant l’exoplanète alors que cette dernière passait devant son étoile. Le spectre ainsi obtenu contient la signature spectrale de toutes les molécules présentes dans l’atmosphère de la planète.

Or, l’analyse du spectre de WASP-96 b a confirmé « sans ambiguïté la présence de molécules d’eau dans l’atmosphère » de cette géante gazeuse d’une taille légèrement supérieure à Jupiter et ayant une masse approchant celle de Saturne.

« Ce spectre qui est le plus détaillé jamais obtenu d’une exoplanète nous démontre toute la capacité de Webb non seulement à détecter des exoplanètes, mais à déterminer la composition chimique de leur atmosphère », souligne avec enthousiasme René Doyon, chercheur principal des instruments canadiens NIRISS et FGS (détecteur de guidage de précision).

Nébuleuse de l’anneau austral

La troisième image présente quant à elle deux clichés de la nébuleuse de l’anneau austral, l’un pris dans le proche infrarouge, à gauche, et l’autre, dans le moyen infrarouge moyen, à droite. Située à 2500 années-lumière de nous, cette nébuleuse est le théâtre des derniers stades de la vie d’une étoile, laquelle apparaît comme un petit point rouge au centre de l’image de droite.

 Photo: NASA, ESA, CSA et STScI La nébuleuse de l’anneau austral

« Le moyen infrarouge (à droite) nous a permis de distinguer deux étoiles au coeur de la nébuleuse : une étoile plus rouge qui vient de mourir et qui, en mourant, a créé cette nébuleuse dite planétaire. Tout à côté d’elle, une autre étoile, blanche quant à elle, est encore en vie, et est également visible et brillante au centre de l’image de gauche. Or, l’étoile rouge est presque invisible dans l’image de gauche parce qu’elle est entourée de poussière. Nous avons eu besoin d’aller encore plus loin dans le moyen infrarouge pour l’apercevoir derrière la poussière cosmique qui l’enveloppe », explique Nathalie Ouellette, chargée des communications scientifiques sur Webb au Canada, et coordonnatrice de l’Institut de recherche sur les exoplanètes de l’Université de Montréal.

Quintette de Stephan

Pour sa part, la quatrième image met notamment en scène les violentes interactions gravitationnelles qui ont cours entre quatre galaxies du Quintette de Stephan qui regroupe cinq galaxies dont deux sont sur le point de fusionner dans le nuage de droite. « Le télescope Webb nous permet de voir comment les collisions entre galaxies induisent la naissance de nouvelles étoiles dans chacune d’elles », souligne Mme Ouellette tout en précisant que ce sont les ondes de choc de ces cataclysmes qui condensent les gaz des galaxies en de nouvelles étoiles.

 Photo: NASA, ESA, CSA et STScI Le Quintette de Stephan

Webb a également permis de deviner la présence d’un trou noir supermassif dans la galaxie la plus haute de l’image. « Si on zoome sur cette galaxie, on peut apercevoir des jets énergétiques qui sortent du trou noir et qui nous indiquent qu’il est très actif », indique l’astrophysicienne. Grâce au niveau de détails inégalé fourni par Webb, il sera possible aux scientifiques de déterminer le rythme auquel croissent les trous noirs.

Pouponnière d’étoiles

Dans le dernier paysage cosmique tout à fait époustouflant qui nous a été présenté, on découvre cette fois une pouponnière d’étoiles nommée NGC 33245 qui est située dans la nébuleuse de la Carène. « La puissance du télescope Webb nous permet ici de voir le tout début de la naissance de certaines des étoiles. La naissance est une étape de la vie d’une étoile qui dure très peu de temps, quelques millions d’années seulement, et techniquement il est difficile d’observer une telle étape parce que l’étoile est alors complètement entourée de poussière. Mais grâce à la lumière infrarouge, Webb perce cette poussière, ce qui nous permet de voir la naissance des étoiles qui, jusqu’à présent, était impossible à observer », détaille Mme Ouellette.

 Photo: NASA, ESA, CSA et STScI La nébuleuse de la Carène

«Toutes ces images ont été obtenues après seulement 120 heures d’observation lors d’un programme spécifique de démonstration. Ce n’est que le tout début de ce que nous dévoilera Webb…» souligne René Doyon.

La mission du télescope spatial entre maintenant dans sa phase opérationnelle et scientifique.

Source: Le Devoir (le 13 juillet 2022)

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