mardi 16 avril 2024

«Uber Files»: Emmanuel Macron embourbé dans un scandale d’État

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A droite comme à gauche en France, l’indignation est totale et un appel à une commission d’enquête est lancé. Et pour cause, «Uber Files», une vaste enquête de 42 médias internationaux révèle un «deal» secret, sur fond de pratiques illégales, conclu entre le président français Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie, et le géant mondial des VTC.

L’onde de choc sur ce qui présenté comme un scandale d’Etat par excellence en France, ayant éclaté dimanche 10 juillet 2022 au soir, et impliquant le président Emmanuel Macron, ne cesse de s’élargir. Alors ministre de l’Économie (2014-2016), Macron aurait indûment déroulé le tapis rouge à Uber, géant américain des VTC -véhicule de tourisme avec chauffeur. C’est ce que révèle l’affaire «Uber Files», menée par le Consortium international des journalistes d’investigation, regroupant 42 médias internationaux. L’enquête repose sur 124.000 documents, datés de 2013 à 2017, comprenant des e-mails et messages des dirigeants d’Uber à l’époque, ainsi que des présentations, notes et factures.

L’affaire a d’abord été impulsée par The Guardian avant d’être partagée avec les autres médias du consortium. «Le pro-business Macron, qui a été réélu président français en avril, était suffisamment proche des dirigeants d’Uber pendant ses deux années au ministère de l’économie de 2014 à 2016 pour qu’ils n’hésitent pas à le contacter pour une éventuelle aide lorsque leur les locaux ont été perquisitionnés par les autorités fiscales et autres», résume ainsi le quotidien britannique à grand tirage. Nous sommes à une époque où Uber voulait forcer son passage, notamment contre les taxis et les résistances que leur opposaient les pouvoirs publics dans plusieurs pays.

En France, c’est le quotidien Le Monde qui s’est intéressé en premier aux liens entre la société américaine et Emmanuel Macron. Après les révélations de la veille, dimanche, le quotidien revient ce lundi sur les nombreuses réactions politiques que l’affaire suscite en France.

Dimanche, 10juillet courant, le quotidien révélait en effet l’existence d’un «deal» secret entre Uber et Emmanuel Macron à Bercy. On retiendra des réunions dans le bureau du ministre et de nombreux échanges (rendrez-vous, appels ou SMS) entre les équipes d’Uber France et Emmanuel Macron ou ses conseillers. Le tout ressemble étrangement à une action de lobbying dans les règles de l’art à travers des pratiques destinées à aider Uber à consolider ses positions en France, «comme le fait de suggérer à l’entreprise de présenter des amendements clés en main à des députés», indique l’agence AFP, dont les premières dépêches à ce sujet ont pourtant pris soin d’occulter l’implication du président dans cette affaire.

A la même AFP, Uber France a confirmé la tenue de réunions avec Emmanuel Macron: des rencontres qui «relevaient de ses responsabilités en tant que ministre de l’Économie et du Numérique supervisant le secteur des VTC». Idem pour l’Élysée. Macron, comme ministre de l’Économie, était «naturellement amené à échanger avec de nombreuses entreprises engagées dans la mutation profonde des services advenue au cours des années évoquées, qu’il convenait de faciliter en dénouant certains verrous administratifs ou réglementaires».

A gauche comme à droite du pouvoir français, on ne l’entend nullement de cette oreille. Patronne des députés La France insoumise (LFI, gauche radicale), Mathilde Panot a dénoncé sur Twitter un «pillage du pays», Emmanuel Macron ayant été selon elle à la fois «conseiller et ministre de François Hollande et lobbyiste pour multinationale états-unienne visant à déréguler durablement le droit du travail».

Même son de cloche auprès d’Alexis Corbière, élu de La France insoumise, qui a dit souhaiter l’ouverture d’une commission d’enquête parlementaire sur ce sujet à l’Assemblée nationale. «Le président ou celui qui va être président ne peut pas être un lobbyiste au service d’intérêts privés et d’une entreprise nord-américaine qui a plus que des délicatesses avec les États-Unis et cherche à contourner les réglementations», a-t-il estimé. «Uber mériterait bien une petite commission d’enquête» parlementaire, confirme le député communiste Pierre Dharréville.

A l’autre bord, Jordan Bardella, président du Rassemblement national (RN, extrême droite), n’y va pas de main morte. «C’était de notoriété publique, les UberFiles le démontrent une fois de plus. Malgré le ‘‘en même temps’’ permanent, le parcours d’Emmanuel Macron a une cohérence, un fil rouge: servir des intérêts privés, souvent étrangers, avant les intérêts nationaux», écrit-il sur Twitter.

Interrogé par l’AFP, l’ancien député du Parti socialiste (PS) Thomas Thévenoud, qui a donné son nom à la loi d’octobre 2014 délimitant plus précisément les droits et devoirs respectifs des taxis et des voitures de transport avec chauffeur (VTC), estime qu’Emmanuel Macron «est resté un interlocuteur privilégié» d’Uber. Il l’avait rencontré sur le sujet dès le printemps 2014 lorsqu’il était secrétaire général adjoint de l’Élysée. «Il a toujours cherché à dérouler le tapis rouge à Uber», estime-t-il.

L’été s’annonce donc chaud pour le président nouvellement élu. «En macronie, l’été a toujours un parfum de scandale. Après les homards de François de Rugy en 2019 ou l’affaire Benalla en 2018, le cru 2022 s’annonce piquant pour la majorité», ironise le quotidien Libération. Feuilleton à multiples rebondissements en vue.

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