mardi 23 avril 2024

Mejhoul, perle des dattes, un fruit marocain dont certains pays revendiquent l’origine

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L’expert agronome marocain et secrétaire général du Prix international Khalifa du palmier dattier et de l’innovation agricole, Abdelouahab Zaid, vient de publier « Le Mejhoul, perle des dattes », un livre qui retrace les origines et le périple mondial de ces dattes emblématiques de la région de Draa-Tafilalet.

Dans un entretien accordé à la MAP, M. Zaid, qui est également coordonnateur général du Réseau international du palmier dattier et directeur général du Centre arabe du génie génétique et de la biotechnologie, décortique les divers axes et les motivations à l’origine de son livre qui répond à une urgente nécessité de documenter l’origine du Mejhoul, un fruit dont certains pays ou parties commencent à revendiquer l’origine.

Le chercheur marocain, qui avait aussi exercé en tant qu’expert à la FAO et du Programme des Nations unies pour le développement, compte à son actif une série d’ouvrages scientifiques, tout comme il est lauréat de plusieurs prix d’excellence qui lui ont été décernés notamment par la FAO et l’Organisation arabe pour le développement agricole.

1- Comment avez-vous eu l’idée d’écrire et publier « Le Mejhoul, perle des dattes »?

Cette idée me hante depuis de nombreuses années, depuis que le Mejhoul s’est accaparé une grande place au niveau mondial après avoir été classé parmi les meilleurs dattes. Ainsi, plusieurs parties, des pays même, ont commencé à en revendiquer l’origine. C’est pour cela que j’ai décidé de me pencher sur le sujet et d’établir l’origine marocaine de ces dattes et d’expliquer leur nom, qui est à la fois arabe et anglais.

Ce livre constitue un saut qualitatif dans le domaine de la documentation de cette variété de dattes distinguées au niveau mondial. Je tiens à cet égard à saluer l’apport de l’expert international en la matière, Abdallah Ouahbi.

2- Votre livre est-il un plaidoyer contre les fausses informations sur l’origine du Mejhoul, dont le succès régional et international a attisé l’appétit de pays qui n’ont pas hésité à en usurper l’origine sans aucun fondement ou preuve scientifique ?

En effet, ce livre est une réfutation scientifique des rumeurs qui ont circulé sur l’origine de ces dattes et une réhabilitation de la vérité sur le Majhoul, qui se répand en général dans toutes les régions de l’Oasis de Tafilalet sur la région d’Errachidia dont Erfoud, Maadid, Tzimi, et Nahia, Boudnib, Errachidia, Guelmima, Bouanane, Rissani, Tinjdad ou les communes rurales de Zrikate, Rissani, Beni M’hamed Sejlmsa, Safalat, Sifah ….. Néanmoins, la région de Boudnib a la particularité d’être l’origine des 11 plants envoyés en 1927 aux Etats-Unis par le botaniste Dr Walter Swingle.

En somme, 44 chercheurs et scientifiques spécialisés dans cette variété de dattes ont participé à cette publication scientifique et ont conclu, grâce à des preuves irréfutables, que le Mejhoul provient bien de la région de Boudnib et a été transféré en Californie aux USA, à partir de laquelle il a été multiplié et propagé à travers le monde.

3- Des chercheurs internationaux et des agronomes ont contribué à l’élaboration de cet ouvrage. A votre avis, pourquoi cette implication collective dans l’élaboration de ce livre?

Ce grand nombre de participants à la préparation du livre est considéré comme un indicateur positif en termes de quantité. Tous les participants à cet ouvrage sont originaires de pays producteurs du Mejhoul, dont les USA, Israël, l’Australie, l’Afrique du Sud, le Mexique, la Jordanie, la Namibie et l’Egypte (…).

De même, le Secrétariat général du Prix international Khalifa du palmier dattier à veiller à l’édition de ce livre afin d’établir la vérité sur l’origine de ces dattes et leur dénomination.

Ont contribué à l’élaboration du livre 8 ministres de l’agriculture des pays producteurs de dattes, ainsi que 44 chercheurs, scientifiques et experts agricoles représentant 13 pays, dont le Maroc, ainsi que 4 organisations internationales.

Cet ouvrage vient donc démentir les rumeurs sur l’origine du Mejhoul, eu égard à sa bonne réputation, ses caractéristiques uniques et son prix élevé par rapport aux autres types de dattes.

4- Selon vous, la différence de prononciation du nom Mejhoul dans les pays étrangers et arabes est une source d’inquiétude quant à la réputation et la popularité de ce type de dattes marocaines? Quelle est la valeur ajoutée que le livre apportera en la matière?

La différence de prononciation du nom « Mejhoul » que ce soit en arabe, en anglais ou en français est une source d’inquiétude pour la notoriété et la popularité de cette variété de dattes, car l’unification du nom contribue naturellement à la hausse de l’indice de notoriété et l’augmentation de la demande pour ces dattes uniquement, mais lorsque les noms diffèrent, le consommateur pense que chaque nom est différent de l’autre.

Ainsi, il n’achètera que le produit dont il reconnaît le nom bien ancré dans son esprit, d’où l’importance d’unifier le nom dans toutes les langues. Dans ce livre, nous avons rassemblé tous les noms utilisés en anglais et en français de manière erronée, et ils sont les suivants (Majdoul), (Mejhol), (Madqul), (Majhool), (Majhul), (Mashghul), (Mechghoul), (Medjeheul), (Medjool), (Medjoul), (Mejhool), (Mejool) alors que le nom correct est « Mejhoul ». La même chose est à regretter dans la langue arabe où fleurissent plusieurs noms utilisés de manière erronée.

5- Dr Abdelouahab Zaid, parlez-nous du voyage des dattes Mejhoul, originaire de la région de Boudnib à Errachidia et son périple à travers le monde ?

Le palmier dattier Mejhoul est originaire de l’Oued Tafilalet au Maroc, dans la province d’Errachidia. Son origine a été confirmée par les analyses ADN de plusieurs échantillons collectés dans diverses régions, dont le Maroc, l’Égypte et les États-Unis. Cette étude, réalisée par le chercheur marocain Mohamed Lahmizi, a démontré que le Mejhoul est une variété de (Landrace) du Maroc.

Au 17e siècle, les dattes Mejhoul étaient connues comme des dattes de haute qualité vendues à des prix élevés par rapport aux autres variétés sur les marchés d’Angleterre et d’Espagne à cette époque, et la plupart des dattes étaient importées en Europe depuis le Tafilalet. Malheureusement, l’apparition de la maladie du Bayoud, une maladie fongique, dont l’agent pathogène est un champignon ascomycète, Fusarium oxysporum f. sp. albedinis, a massivement dévasté les plantations de dattes marocaines. Les dattes Mejhoul étaient parmi les plus sensibles à cette maladie et ont ainsi disparu des marchés européens après une baisse considérable de leur production.

Il existe un consensus sur le fait que la variété Mejhoul est originaire de l’oasis de Tafilalet, irriguée par l’Oued Ziz. Cette oasis située à une altitude de 764 mètres au-dessus du niveau de la mer, se trouve dans la province d’Errachidia (région du Draa-Tafilalet).

Le Tafilalet est la plus grande oasis du Royaume et un haut lieu de culture des dattes. Elle abrite également un tiers des variétés de palmiers dattiers enregistrées, soit 151 des 453 variétés de dattes.

En 1927, le botaniste américain Dr Walter Swingle a effectué une visite au Tafilalet en vue de cerner les causes de la maladie du Bayoud.

A Boudnib, il a procédé au prélèvement de 11 plants sur un même palmier-dattier montrant une forte croissance et à leur envoi à Washington, où ils sont arrivés environ cinq semaines plus tard. Il est important de noter que les 11 plants proviennent du même arbre et sont donc génétiquement identiques.

Les responsables de la quarantaine végétale aux États-Unis tenaient à ne pas introduire la maladie du Bayoud dans le pays, et il était nécessaire de placer les plants en quarantaine agricole, de les traiter et les planter sous leur surveillance dans un endroit éloigné pour plusieurs années, dans une zone où il n’y a pas de palmiers. Ainsi, ils ont choisi de le faire dans le sud du Nevada, le long du fleuve Colorado.

Les plants ont survécu au voyage vers le site et ont été transplantées avec succès le 4 juillet 1927. Un fermier amérindien local a accepté de s’occuper et d’arroser les pousses, avec des visites de supervision périodiques par un agronome mandaté par les autorités sanitaires.

Au début, 2 plants sont morts et les 9 autres ont survécu. Trois ans plus tard, les neuf ont produit d’autres plants. Après huit ans de quarantaine, tous les plants ont été déclarés sains sans aucun signe de Bayoud ou d’autres maladies. À ce moment-là, les neuf plants originaux avaient produit 64 plants supplémentaires. À l’été 1936, les 73 plants ont été plantés avec succès.

Depuis, les plants ont été mis à la disposition des agriculteurs de Californie et d’Arizona à partir des années 1940, et le Mejhoul s’est développé suscitant l’intérêt de nombreux autres pays. Les États-Unis ont acquis la réputation d’être la source de plants sains de dattes Mejhoul d’origine marocaine.

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