Du 19 au 21 juin à Rabat, la commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA) et le FNUAP ont proposé une rétrospective de la situation de la protection socialeau Maghreb.
7 milliards. La barre atteinte le 31 octobre 2011 par la population mondiale en a fait frémir plus d’un. 7 milliards de bouches à nourrir, de personnes qui chercheront un emploi, mais aussi 7 milliards d’êtres humains qui auront besoin d’une protection sociale. Autant dire que les Etats ont du pain sur la planche ! C’est plus précisément cette dernière thématique qui a fait l’objet, du 19 au 21 juin à Rabat, de discussions poussées entre experts de la région du Maghreb, réunis par la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA) et le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP). Les pays d’Afrique du Nord, du Maroc jusqu’en Egypte, ont connu ces deux dernières années, des mouvements de revendications sociales, qui ont débuté avant le très médiatique Printemps arabe. Une région en ébullition, qui connaît un taux de chômage croissant, puisqu’il est passé de 9,6% en 2010, à 10,9% en 2011. Comparativement à cela, le taux de chômage mondial gravite autour des 6%. Pourquoi alors se focaliser sur la protection sociale ? Karima Bounemra Ben Soltane, directrice de la CEA, rappelle l’origine de cette attention particulière. « Comme le relève le rapport sur la situation sociale mondiale 2011, publié par le Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies, les conséquences sociales des crises ont été en général plus sévères dans les pays où les systèmes de protection sociale étaient les plus faibles ». Une protection sociale pour tous qui est loin d’être généralisée dans la région.
Exclusion de certaines franges de la population
Qu’en est-il du Maroc ? Dans une récente étude réalisée par le CEA, en partenariat avec le Bureau international du travail (BIT), on remarque que comparé aux autres pays du Maghreb, le système d’assurance sociale du Maroc atteint une couverture limitée. Seulement 26% des personnes ayant l’âge de la retraite en touchent une. Retraite qui dans 73% des cas est inférieure au salaire minimum. D’autre part, parmi la population active employée, seuls 30% possèdent une assurance médicale. Une similitude réunit cependant les pays de la région, à savoir l’exclusion de certaines franges de la population de ces systèmes de protection sociale, notamment les travailleurs de l’informel. Des travailleurs précaires qui se généralisent pourtant dans ces pays. D’autres personnes vulnérables, que sont les personnes âgées, les enfants, ou encore les personnes handicapées, sont quant à elles de plus en plus passées à la loupe. Sujets d’enquêtes nationales donnant lieu à des stratégies de grande envergure, les résultats ne sont pourtant pas probants.
Handicapés toujours marginalisés
Dans le cas du handicap par exemple, si une stratégie nationale ainsi qu’un plan d’action ont été lancés pour prévenir et améliorer les conditions de vie des personnes handicapées, le constat est le même. La loi qui stipule que 5 à 7% des postes, à la fois dans la fonction publique et le secteur privé, doivent être attribués à cette frange de la population, n’est pas fondamentalement appliquée.
Une avancée a tout de même été saluée dans le domaine de la protection sociale, à savoir la généralisation du système du RAMED, couverture médicale de base réservée aux plus démunis. Un RAMED qui nécessite toutefois un « renforcement, notamment en veillant à sa généralisation et la pérennité de son financement ». Face à ces irrégularités liées à la généralisation de la protection sociale dans les pays du Maghreb, les experts réunis par le CEA et le FNUAP préconisent plusieurs actions. Parmi elles, le développement d’enquêtes statistiques nationales et régionales, la mise en place d’un socle de protection sociale efficace, et surtout l’accès universel à un niveau minimum de protection sociale pour toute la population.
Trois questions au Dr-Christoph-Schumacher
Le Dr Christoph Schumacher est consultant senior au sujet de la protection sociale et de la migration, au bureau régional du BIT pour l’Afrique, basé en Ethiopie.
« La protection sociale est un droit de l’Homme »
En quoi la protection sociale est-elle un souci pour le BIT ?
La protection est une précondition de la paix sociale. Le BIT a toujours souhaité promouvoir la protection sociale dans plusieurs pays d’Europe, mais aussi dans des pays d’autres régions. Il faut dire que malgré son aspect social, la protection sociale aide également à améliorer l’économie. La sécurité sociale, ce n’est pas seulement les coûts, mais aussi des investissements futurs, qui ont une portée sur les générations à venir. La protection sociale, c’est du développement durable !
Qu’en est-il de la situation en Afrique du Nord ?
En Afrique du Nord, les systèmes sont meilleurs que dans plusieurs autres régions du monde, même s’il reste toujours des améliorations à apporter. Le Maroc a beaucoup de jeunes au chômage, et doit les prendre en considération aussi bien que la population vieillissante. Ce sont encore des aspects à améliorer.
En quoi la protection sociale est-elle un instrument pour promouvoir les droits de l’Homme ?
Je pense sincèrement que la protection sociale est elle-même un droit de l’Homme. Dans la déclaration des droits de l’Homme, dans ses articles 22, 23 et 25, la sécurité sociale est d’ailleurs citée. Dans la constitution et la législation nationale de plusieurs pays également, plusieurs dispositions concernent les systèmes de sécurité sociale. Il ne reste plus qu’à les appliquer.
Selma T. Bennani