Lareleve.ma-AFP
L’Iran et le groupe des « 5+1 » ne pourront pas se permettre de repartir les mains vides de leur prochaine réunion à Moscou, comme ils viennent de le faire à Bagdad, s’ils veulent maintenir l’épineux processus de négociations sur le programme nucléaire iranien, selon des experts.
La réunion très attendue de Bagdad, où l’espoir d’une percée avait été un temps caressé, s’est achevée jeudi sur la seule promesse de se revoir les 18 et 19 juin à Moscou.
« On commence à arriver à un point où il sera plus difficile de garder ce processus en vie sans résultats tangibles sur les principaux problèmes », estime Trita Parsi, auteur d’un livre sur la politique américaine vis-à-vis de l’Iran.
L’Iran, déjà soumis à de sévères sanctions internationales, est sous le coup d’un embargo pétrolier de l’Union européenne qui doit entrer en vigueur le 1er juillet, et ne peut se permettre de différer le problème indéfiniment.
Mais la pression existe aussi du côté des puissances du groupe « 5+1 » (Etats-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni et Allemagne).
Israël, qui estime que le programme nucléaire iranien menace son existence même, et Washington n’ont pas exclu un recours à la force pour tenter d’empêcher la fabrication d’une bombe atomique en cas d’échec de la diplomatie.
Le président américain Barack Obama voudrait aussi voir retomber les cours du pétrole avant l’élection de novembre, où son rival républicain Mitt Romney l’accuse de faiblesse envers l’Iran.
M. Parsi souligne qu’il s’attendait à voir la réunion de Bagdad tourner en « échec calculé dans la mesure où les deux camps allaient négocier très durement, sachant qu’ils avaient une chance d’avoir une autre réunion avant que ces sanctions n’entrent en action ».
« Ils ont pu se permettre de faire ça (à Bagdad), mais je ne sais pas s’ils pourront le faire à nouveau à Moscou », souligne-t-il.
« Fenêtre » pour un accord
Les signaux positifs lancés lors d’une précédente réunion à Istanbul en avril ont disparu à Bagdad, lorsque les négociations ont abordé le fond du sujet.
La réunion de « Bagdad a commencé avec un énorme pas en arrière du fait de l’approche obstinée et inflexible des Occidentaux et s’est achevée avec un petit pas en avant avec l’accord pour continuer (les négociations) à Moscou », estime Kaveh Afrasiabi, conseiller des négociateurs iraniens de 2004 à 2006.
Le principal écueil est, et a toute les chances de le rester à Moscou, le rythme auquel les 5+1 atténueront les sanctions si l’Iran suspend les parties de son programme nucléaires qui suscitent le plus de soupçons, en particulier l’enrichissement de l’uranium à 20%.
A Bagdad, le chef de la délégation iranienne, Saïd Jalili, a déclaré que ce point pouvait « être un sujet de discussion en vue d’une coopération ». La chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, a également assuré que l’Iran s’était dit prêt à en discuter.
Mais pour Mark Fitzpatrick, du centre d’études International Institute for Strategic Studies à Londres, les attentes iraniennes de concessions des 5+1 avant la rencontre étaient « fortement inflationnistes ».
Les 5+1 ont appelé à la suspension de l’enrichissement d’uranium à 20% sans offrir en retour l’allègement de sanctions qu’espérait l’Iran pour renoncer à ce qu’il qualifie de « droit inaliénable ».
Mark Hibbs, expert à la Fondation Carnegie, estime qu’il existe une « fenêtre » pour parvenir un accord, mais il faut pour cela savoir si l’Ayatollah Ali Khamenei peut se permettre de conclure un accord « sans créer une crise politique interne ».
Selon lui, le rôle de l’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique) sera « crucial » afin de « donner confiance au monde sur le fait que le programme nucléaire iranien est totalement pacifique ».