jeudi 18 avril 2024

Médias: Moins de peines privatives de liberté?

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Jamal Eddine HERRADI

  LE secteur de la presse ne laisse pas indifférent le gouvernement d’Abdelillah Benkirane.
A commencer par le projet d’un nouveau code de la presse. Qu’on se le dise: il ne s’agit pas d’apporter quelques corrections à celui présenté il y a quelques années par Nabil Benabdellah avant d’être retiré sous la pression des professionnels.

 

  Le nouveau projet, qui sera dévoilé dans les prochaines semaines, sera le fruit d’un large débat avec les acteurs du secteur. En attendant, les professionnels de la presse s’interrogent sur certaines questions cruciales à leurs yeux, à commencer par les peines privatives de liberté en cas de délit de presse.

 

   Le nouveau ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, le Pjdiste Mustapha El Khalfi, tient à rassurer ses ex-confrères de la presse. Lui-même journaliste (il est directeur du journal Attajdid), il n’a jamais vu d’un bon œil l’application du code pénal aux délits de presse. C’est pourquoi son département s’attelle à élaborer un projet de texte qui doit en principe séparer les délits d’opinion des diffamations et autres atteintes à la vie privée.

 

  Cependant, la crainte de la profession vient du fait que, comme tout projet, celui du code de la presse ne subisse les humeurs des uns et des autres. Car, il doit accomplir le circuit traditionnel à travers les départements ministériels et institutions concernés. Le risque est que le projet soit amendé à outrance et finisse soit à la poubelle, soit devant le Parlement où il sera adopté sans aucun doute.

 

  Ce que l’on craint surtout, c’est que le projet, qui sera discuté avec la Fédération marocaine des éditeurs de journaux (FMEJ), le ministère de la Communication et le Syndicat national de la presse marocaine (SNPM), ne contienne des dispositions plus sévères que celles contenues dans le code de la presse actuellement en vigueur. Ce fut le cas du projet Benabdellah.

 

  Les propositions avancées alors par le syndicat et la fédération n’avaient pas été prises en compte. Certes, le texte proposé avait supprimé certaines peines de prison, mais il en avait maintenu beaucoup d’autres. D’autre part, de nouvelles sanctions concernant l’interdiction d’exercer avaient été introduites.

 

  En fait, le principe sur lequel avaient convenu fédération et syndicat, c’est que les peines de prison en ce qui concerne les affaires de diffamation à l’égard de Sa Majesté le Roi ou de la famille royale soient maintenues puisqu’elles sont dans le code pénal. Mais en dehors de cela, il ne devait plus y avoir de peines privatives de liberté. Or, le projet du nouveau code incluait également les magistrats et autres membres du ministère de la Justice, certaines institutions de l’Etat… De l’avis tout autant de la FMEJ que du SNPM, cela était devenu «abusif et donc inacceptable» par la profession. C’est le ministère de la Justice qui aurait, en ce temps, introduit ces transformations en érigeant le corps de la magistrature en «institution sacrée». Du coup, c’est «toute la philosophie du texte qui a changé», affirmait Abdelmounaïm Dilami, alors président de la FMEJ.

 

  «Nous étions partis sur la base d’un texte très libéral et de la création d’une nouvelle institution qui est le Conseil supérieur de la presse qui va développer une déontologie et qui serait gardienne du respect des libertés», soulignait-il. Seulement, on a «glissé sur un volet extrêmement excessif qui montre, qu’en fait, on raisonne uniquement en fonction de cas exceptionnels qui se sont présentés durant ces dernières années». Or, poursuit-il, quand on légifère, c’est pour le long terme, pour l’avenir.

 

  Quelques années et des animosités après, l’on est presque retourné à la case départ. Sans oublier au passage que Khalid Naciri (lui aussi du Parti du progrès et du socialisme-PPS), l’ex-ministre de la Communication, a essayé, à son tour, de reconduire le texte. Sans succès, la profession était plus vigilante.
Si la déclaration de bonne intention du gouvernement verse aujourd’hui dans le sens que rien ne justifie la mise en place d’un texte répressif, l’on peut dire que le projet du code de la presse ira devant le Parlement et trouvera bon écho auprès de la profession.

 

 Nuances

    RÉPRIMER à chaque fois n’est pas la solution. En fait, on n’a toujours pensé qu’à l’aspect politique. Mais il n’y a pas que cela. La diffamation, à titre d’exemple, peut intervenir à l’égard d’un particulier tout simplement par hasard et elle n’est alors considérée pas plus qu’une faute professionnelle.

 

    Une phrase est glissée dans un texte par hasard et le directeur de publication se retrouve poursuivi pour diffamation. Donc, ces nuances doivent être prises en considération.

 

  Il ne faut pas considérer les professionnels de la presse comme des criminels potentiels et rester à l’affût de la moindre faute pour leur tomber dessus.

 

    Car, il ne peut y avoir de société démocratique sans une presse, qui est parfois irrévérencieuse et qu’on sanctionne quand elle exagère, mais qui a la possibilité d’agir, de s’exprimer…

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