Par Kamel BOUDJADI
ENNAYER 2962: TIZI OUZOU
La population décrète la journée fériée
Spontanément, sans aucune visée politique, la population a, depuis plusieurs années, décrété la date du 12 janvier journée fériée. L’occasion, en fait, est célébrée depuis des siècles sous la dénomination de Yennayer.
Ce n’est pas spécifique à la région de Kabylie; c’est plutôt une journée que toutes les populations nord-africaines célèbrent par des rituels communs. La veille du passage au Nouvel an berbère, les familles se réunissent autour d’un plat de couscous agrémenté de viande de poulet. Aujourd’hui donc, à Tizi Ouzou, les écoles seront fermées, beaucoup de travailleurs ne rejoindront pas leurs postes, la vie s’arrêtera l’espace d’une journée, pour rappeler que l’amazighité de notre pays ne saurait être niée et encore moins reniée.
Il faut dire aussi que Yennayer transcende les générations comme les communautés linguistiques de notre pays. «J’ai cinquante ans, j’ai travaillé dans plusieurs wilayas du pays et croyez-moi, j’ai partout connu des gens qui célèbrent Yennayer.
C’est une date commune à tous les Algériens» affirme Ami Saïd, un cuisinier de renommée. «Moi, ça fait vingt ans que je suis dans l’enseignement et j’ai toujours considéré que Yennayer est une journée fériée. D’ailleurs tous la voient ainsi sans aucun arrière-pensée politique ou autre», ajoute son ami.
A Tizi Ouzou, les autorités comme les populations, marquent cette occasion par l’organisation de plusieurs et diverses manifestations artistiques et culturelles. Au niveau de la Maison de la culture Mouloud-Mammeri, les activités culturelles se sont intensifiées depuis quelques jours. Les halls accueillent des expositions diverses sur différents thèmes relatifs, cependant tous, à la culture locale. La radio locale, qui en est à sa première année, elle, tient à marquer cette date pour la première fois en organisant un grand gala retransmis en direct sur ses ondes. Une pléiade d’artistes menée par la grande dame de la chanson kabyle, Malika Domrane agrémentera la soirée des auditeurs et des invités de cette fête «radiophonique» qui se tiendra à la salle des fêtes Tameghra.
La célébration de Yennayer ne se limite pas uniquement à la ville de Tizi Ouzou et ses institutions culturelles. A travers plusieurs localités, de multiples activités sont prévues pour cette journée. Ainsi, à Makouda, un grand gala organisé par le mouvement associatif local est prévu pour l’occasion. Des grands noms de la chanson kabyle se produiront devant un public certainement ravi. Les festivités se dérouleront pendant une journée alors que la soirée est réservée, comme il est de coutume, à un copieux dîner, de préférence agrémenté d’un coq fermier. «Le dîner de Yennayer est inévitable et je ne le raterai pour rien au monde», affirmaient plusieurs citoyens de la commune de Makouda qui attendent impatiemment le gala.
A Tigzirt, l’association culturelle Tlelli du village Tamazirth Ourabah prévoit des activités culturelles et artistiques pour la même occasion. Une conférence traitera de l’histoire et des dimensions de la journée de Yennayer suivie d’une diffusion d’un film documentaire sur l’histoire du village.
Pour la même date et sur un autre registre, l’association Rotary Club de Tizi Ouzou organisera, pour l’occasion, une cérémonie de remise de fauteuils roulants à 128 handicapées moteurs nécessiteuses. Les bénéficiaires ont été sélectionnées à travers plusieurs wilayas du pays comme Jijel, Boumerdès, Bouira et Béjaïa.
YENNAYER 2962: A BÉJAÏA
Le jour de l’An sera chômé, payé et fêté
Par Arezki SLIMANI
Aujourd’hui, la région de basse Kabylie célèbrera, à l’instar de toutes les régions du pays et du Maghreb, le premier jour de l’An berbère 2962. Ce jour est toujours là pour nous rappeler que nos racines remontent loin, très très loin dans l’histoire de l’humanité. Notre premier royaume amazigh naissait sous l’autorité d’un roi nommé Chachnaq, qui avait libéré son territoire de la domination des pharaons. Depuis cette époque lointaine, les populations maghrébines fêtent leur indépendance par des festivités traditionnelles. C’est encore le cas aujourd’hui, même si d’autres aspects se sont greffés pour donner plus de sens et de valeur à ce jour. Pour tout l’or du monde les populations, notamment rurales, ne manqueraient un rendez-vous pareil tant il marque une tradition ancestrale comme beaucoup d’autres auxquelles les Kabyles restent fièrement attachés. Aujourd’hui, pas un foyer, pas un village ne restera en marge de la célébration, qui se fera à coup sûr dans un esprit festif, rassembleur et surtout porteur de cet élan unificateur dont a besoin un peuple épris de son identité. Bejaia et ses contrées ne vivent depuis quelques jours que pour ce jour. Un jour qui ne ressemble à aucun autre et qui se fête d’une manière singulière. Il y aura de tout. Du couscous à la traditionnelle, des premières coupes de cheveux pour les enfants, des boeufs à sacrifier, de la danse et des chants, bref, la basse Kabylie vivra collectivement et solidairement une veillée et un jour pas comme les autres. Le choix du Jour de l´An pour la première coupe de cheveux des enfants n´est pas fortuit, puisque ce baptême s´est souvent déroulé en cette période qui marque les premiers jours d´une année que tout un chacun espère prospère. Le retour aux sources est une pratique récurrente dans les villages de Kabylie ces dernières années. Elle le sera encore cette année eu égard aux échos et invitations qui nous parviennent pratiquement de toutes les contrées de la wilaya de Bejaia. La réhabilitation des actes de solidarité et commémoratifs se poursuit pour donner l´impression d´un besoin profond ressenti par les habitants qui se rendent compte que leurs ancêtres n´avaient pas tort de perpétuer certains événements.
A l´initiative des associations et des comités de village, la célébration du Jour de l´An berbère sera marquée par des actions qui n’ont de valeur que de ressusciter des coutumes ancestrales qui ont toujours distingué la région de Kabylie.
Le Nouvel An amazigh, qui coïncide avec le 12 janvier, intervient cette année dans un contexte plus serein comparé à celui de l’année passée. L’événement qui, d’ordinaire, offrait l’occasion de célébrations joyeuses et d’échanges de visites et de souhaits, sera donc cool. A Béjaïa, les festivités seront plus nombreuses. Dans toutes les localités des programmes ont été concoctés s’articulant sur des activités culturelles et ludiques pour marquer ce passage à l’An 2962 du calendrier amazigh. Musique, théâtre, chorales, poésie, conférences, expositions thématiques et dégustation de mets traditionnels seront au menu de ces manifestations qui ne manqueront pas de drainer beaucoup de monde. Une ambiance similaire est annoncée dans la municipalité d’Akfadou, Tibane, Souk Oufella dans la circonscription de Sidi Aïch. Il en sera de même du côté d’Akbou, Tazmalt et les hauteurs de Seddouk. Du côté du Sahel, Kherrata, Darguina, Souk El Tenine Aokas, Tichy seront autant de localités qui veilleront pour saluer le jour de l’An amazigh.
Au chef-lieu de wilaya, ce premier jour du calendrier agraire nord-africain sera celui des étudiants qui, non seulement en feront une journée fériée, chômée et payée, mais aussi une nuit de fête dans les campus et les résidences. Comme toujours, les écoliers resteront chez eux. Le jour de l’An on ne travaille pas et on ne va pas à l’école. Bref, cette fête ancestrale, vieille de 3000 ans, sera diversement célébrée et les rites diffèrent d’une contrée à l’autre.