Les médias allemands ont diffusé des extraits d’un nouveau rapport détonnant du service fédéral de renseignement (BND) sous le titre « Nous ne voulons pas d’une nouvelle Turquie en Méditerranée occidentale », qui a été rédigé par la chercheuse Isabelle Werenfels, de l’Institut allemand des affaires internationales et de sécurité (SWP).
Ce document est le deuxième signé par cette «chercheuse» après un premier un rapport intitulé «Rivalités maghrébines sur l’Afrique subsaharienne : l’Algérie et la Tunisie cherchent à suivre les pas du Maroc», qui a provoqué une vive controverse pour ses conclusions peu neutres.
Le rapport secret, qui a été préparé par la soi-disant «Iron Woman des services de renseignement allemands et l’experte de la région du Maghreb», se concentre sur les relations de l’Allemagne avec les États du Maghreb, en particulier avec le Maroc, et la nécessité de cerner ses ambitions diplomatiques, qui s’inscrivent «dans un bouleversement géopolitique beaucoup plus vaste, à savoir les accords d’Abraham qui ont marqué la normalisation des relations d’Israël avec plusieurs pays arabes», comme elle l’a précisé dans un récent entretien médiatique.
L’un des passages les plus frappante du rapport d’Isabelle Werenfels est le suivant : «L’Alliance maroco-israélienne est un grand choc pour l’Union européenne, et pas seulement pour l’Allemagne, car elle constitue une menace pour leurs intérêts et une menace pour les pays de l’Union eux-mêmes, à court et à moyen terme, puisque l’Afrique du Nord est une zone centrale pour l’Union européenne afin d’écouler ses produits et une porte d’entrée par laquelle elle peut pénétrer le vaste marché africain.»
Concernant l’Allemagne, Isabelle Werenfels a écrit : «Les archives des services secrets assurent qu’avant l’accord militaire et sécuritaire entre Israël et le Maroc (conclu dernièrement) nous avons affaire à un service secret marocain fort, un concurrent féroce et obstiné, avec des connexions et des tournées faites non seulement en Europe occidentale mais même en Europe orientale, et d’après ce que j’ai également vu dans ces archives, c’est que les services allemands ont essayé de créer de nombreux problèmes complexes et inextricables pour le Maroc afin de freiner ses activités dans de nombreuses parties de l’Afrique» et pour porter assistance à «ses ennemis et concurrents traditionnels dans la région.»
Isabelle Werenfels mentionne dans le même contexte : «Le lobby de cette agence (le service de renseignement allemand) et ses liens avec de nombreux secteurs industriels en Afrique ont joué un rôle en perturbant la marche des entreprises marocaines et leur expansion dans la région ouest-africaine et de nombreux pays africains afin d’y affaiblir les intérêts du Maroc.» Elle ajoute : «J’en suis arrivée à la conclusion que ce plan, pour lequel beaucoup de fonds issus du contribuable allemand ont été consacrés, a échoué, et voici une nouvelle Turquie en Méditerranée occidentale qui a commencé à grandir et à émerger.»
Concernant les relations du Maroc avec l’Espagne, le rapport d’Isabelle Werenfels dit : «Notre allié espagnol se plaint beaucoup du soutien américain au Maroc, en particulier après l’accord [tripartite signé en 2020]. Nous avons également remarqué un refroidissement des rapports entre Washington et Madrid, et cela a été démontré par le fait que beaucoup de soldats américains ont été déplacés des bases espagnoles vers les bases italiennes. Il y a des volcans qui sommeillent entre Madrid et Rabat et qui menacent d’exploser.»
Le rapport note aussi qu’il y a aussi «la question de la délimitation des frontières maritimes entre le Maroc et l’Espagne, notamment entre les villes de Ceuta et Melilla, qui sont à l’extrême nord du Maroc et sous administration espagnole», qui altère les rapports entre le Maroc et l’Espagne.
Isabelle Werenfels confirme que ces deux villes sont «sous un terrible embargo marocain et que nous devons les aider financièrement et économiquement car elles font partie intégrante de l’Europe et des marchés stratégiques non seulement pour Madrid mais même pour l’Union européenne.»!
Cette information explique la dernière visite d’un haut responsable allemand au préside occupé de Mellila, récemment. «Ils (c’est-à-dire Ceuta et Melilla) sont sur le point de s’effondrer et nous appelons donc le gouvernement (allemand) à œuvrer pour le plein soutien de notre allié l’Espagne», écrit Isabelle Werenfels.
L’un des extraits les plus importants du rapport, qui se présente sous la forme d’une déclaration de volonté du gouvernement allemand, est la suivante : «S’agissant des marchés miniers, nous avons défini une stratégie depuis 2019 lorsque nous avons conclu un accord avec plusieurs de nos sociétés pour devenir actives au niveau africain et nous étions sûrs qu’ils commenceraient clairement à entrer sur ce grand marché en 2020. Toutefois, la pandémie de la Covid-19 a retardé ce projet que notre pays a bien planifié et réfléchi, car nos relations commerciales avec l’Afrique sont encore très faibles. La chancelière Merkel, a mis en place un fonds d’un milliard d’euros pour aider à soutenir et à sécuriser les investissements en Afrique, l’Allemagne étant à la traîne en matière d’investissements directs dans le continent, seulement 1 % des investissements étrangers allemands vont actuellement en Afrique.»
Le rapport conclut : «le Maroc n’est pas enthousiaste à l’idée d’ouvrir une nouvelle page avec Berlin, il faut donc pénétrer en Afrique via l’Algérie, où l’Allemagne a tous les privilèges et des facilités dans le domaine économique et même politique. L’entrée d’une puissance économique comme Israël en partenariat avec une puissance émergente comme le Maroc ne nous laissera même pas (c’est-à-dire l’Allemagne) une marge d’expansion dans une région riche en minerais dont l’industrie allemande a besoin, car notre action ne dispose pas à la promptitude nécessaire pour réaliser ce but selon les informations obtenues.»
En ce qui concerne la Libye et la Tunisie, le rapport recommande : «Elles doivent être le centre de notre attention. Le vaste désert qui s’étend à travers la bande algéro-libyenne sera une cible réussie pour le projet Desertec (un projet éco-énergétique de grande envergure qui prévoyait l’exploitation du potentiel énergétique solaire des déserts d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient) en concertation avec nos partenaires.» Le rapport considère l’Égypte comme «un partenaire fiable pour notre expansion en Afrique de l’Est qui possède d’importantes qualifications minières et énergétiques pour notre pays.»
Dans un entretien récent, Isabelle Werenfels, a pointé : «Le Maroc a des objectifs symboliques et économiques : il veut démontrer qu’il est un pouvoir régional, un pays souverain, qu’il a su diversifier ses relations, ne dépend de personne et qu’il n’acceptera pas qu’on remette en cause sa souveraineté sur le Sahara. Le but est aussi de diminuer le rôle de l’Algérie dans les instances régionales et internationales.»!
Rappelons que, le très influent Institut allemand des affaires internationales et de sécurité avait publié une note dans laquelle il s’inquiétait de «l’hégémonie» du Maroc sur l’Algérie et la Tunisie en matière de développement.
Dans cette note intitulée «Rivalités maghrébines sur l’Afrique subsaharienne : l’Algérie et la Tunisie cherchent à suivre les pas du Maroc», l’Institut allemand des affaires internationales et de sécurité avait appelé Berlin et l’Union européenne à freiner le Maroc «dans ses tentations hégémonique sur les pays du Maghreb et notamment cesser d’aider la croissance et le développement économique du Maroc, qui freine ainsi l’émergence de l’Algérie et de la Tunisie».
La publication de cette note intervenait en pleine crise diplomatique entre Rabat et Berlin et émanait d’un think-tank très influent en Allemagne. Le groupe de réflexion, qui s’appelle en allemand la StiftungWissenschaftundPolitik (SWP), est notamment connu pour influencer, depuis sa création en 1962, les grandes orientations politiques des gouvernements allemands.
Mais alors que dit la note rédigée par Isabelle Werenfels, senior flow de la division Moyen-Orient et Afrique? Elle émet d’abord des observations sur les développements dans la région du Maghreb et constate que le Maroc a pris une longueur d’avance aussi bien économique que géopolitique sur ses voisins du Maghreb. » Alors que la Tunisie tombe dans l’oubli et l’insignifiance, l’Algérie tente de surmonter ses difficultés et de rattraper le Maroc qui ferait tout pour entraver ses progrès « .
Cette situation qualifiée de «déséquilibrée» par la rédactrice de la note doit selon elle cesser. L’Allemagne et plus largement l’Union européenne doivent « contrecarrer le sentiment d’inutilité croissante de l’Algérie, renforcer l’économie tunisienne, et relativiser les ambitions hégémoniques du Maroc et ainsi atténuer la dynamique négative de la rivalité. «
Les publications de ces notes secrètes, n’ont pas été rendues publique au hasard. Elle tombe au moment où les relations diplomatiques entre Berlin et Rabat sont quasiment rompues et au moment où le Maroc a noué des relations stratégiques dans différents domaines, notamment celui de la défense et de la sécurité, ce qui n’a pas plait à quelques pays européens, dont l’Allemagne, et leur marionnette dans la région: le régime militaire algérien.