Sur Terre, l’activité géologique, et la formation de continents qui en résulte, est suspectée d’avoir joué un rôle crucial dans l’apparition et l’évolution de la vie. Selon ce principe, si une exoplanète présente des continents, son potentiel d’habitabilité se voit augmenter. Une récente étude révèle que certaines exoplanètes dans notre Voie lactée pourraient avoir formé des continents plus de 2 milliards d’années avant notre Terre… et la vie aurait pu en profiter pour s’y développer.
Les continents sur Terre se sont formés grâce aux mouvements des plaques tectoniques, permis par l’évacuation de la chaleur interne de la planète. Les scientifiques ne considèrent pas l’existence d’une tectonique des plaques comme strictement nécessaire à l’apparition de la vie : l’activité tectonique sur Terre était encore limitée lorsque les premiers organismes vivants y ont émergé. La tectonique des plaques semble en revanche avoir un rôle de régulateur sur le climat et les températures terrestres. Elle offre de plus des échanges de matière entre le manteau et l’atmosphère, et l’évacuation de la chaleur interne de notre Planète permet au passage la mise en place d’une magnétosphère, qui nous protège des rayonnements cosmiques nocifs pour la vie. Si elle n’est pas nécessaire à l’apparition de la vie, la tectonique des plaques apparaît cruciale pour son développement sur le long terme, et peut fournir un argument supplémentaire pour caractériser l’habitabilité d’une exoplanète et le développement éventuel d’une biosphère complexe.
La radioactivité comme moteur de l’activité tectonique
Sur Terre, les plaques tectoniques bougent les unes par rapport aux autres en « glissant » sur le manteau, plus ductile. Les mouvements dans le manteau sont principalement issus de la chaleur interne de notre Planète, causée par la désintégration d’éléments radioactifs dans le noyau, comme l’uranium-238 ou le thorium-232. Ces éléments, très lourds, ne peuvent se former que lors d’évènements cosmiques très énergétiques, comme lors d’une collision entre deux étoiles à neutron, ou des supernovae. La Terre a ainsi emmagasiné ces éléments lors de sa formation, lesquels continuent aujourd’hui encore à se désintégrer en d’autres éléments plus légers, émettant de la chaleur.
Si on sait d’où viennent l’activité tectonique terrestre et la formation de continents sur notre Planète, observer ces phénomènes sur des exoplanètes rocheuses reste aujourd’hui irréalisable ; mais la présence d’éléments radioactifs dans leurs noyaux peut en revanche permettre de prouver qu’une activité tectonique y est possible. C’est le défi que s’est proposé de relever Jane Greaves, une astronome américaine : selon elle, en sachant que les planètes et leur étoile hôte se forment à partir du même nuage pré-stellaire, les abondances en éléments radioactifs au sein de l’étoile reflètent la composition chimique des planètes qui orbitent autour. En analysant à partir de précédentes études les abondances en uranium et en potassium d’étoiles voisines, ainsi que les âges de ces étoiles mesurés par le satellite Gaia, elle est capable de fournir une estimation de l’époque à partir de laquelle d’hypothétiques planètes rocheuses autour des étoiles étudiées pourraient être devenues assez chaudes pour qu’une tectonique des plaques y émerge. Elle présente ses résultats dans le journal Research Notes of the American Astronomical Society.
À la recherche d’éléments radioactifs dans la Voie lactée
Dans ses travaux, l’astronome Jane Greaves étudie 29 étoiles situées relativement proches de notre Système solaire, et les divise en deux groupes : d’un côté, les étoiles les plus jeunes et les plus riches en métaux (on parle de métallicité, une grandeur qui mesure la masse d’éléments autres que l’hydrogène ou l’hélium, les plus abondants dans l’Univers) localisées dans le « disque mince » de la Voie lactée ; de l’autre, les étoiles les plus âgées et les plus pauvres en métaux, localisées dans le « disque épais » de notre Galaxie. En analysant la métallicité des étoiles ainsi que leur âge, elle parvient à estimer depuis quand une hypothétique planète rocheuse en orbite autour d’elles pourrait présenter une activité tectonique.
Sur Terre, la tectonique des plaques telle qu’on la connaît a débuté il y a environ 3 milliards d’années ; mais selon les résultats de son étude, l’astronome semble avoir identifié dans son échantillon de jeunes étoiles riches en métaux d’hypothétiques planètes rocheuses où des continents auraient pu émerger plus de 2 milliards d’années plus tôt. L’âge de l’apparition de la tectonique des plaques terrestres semble être médian, comparé aux systèmes stellaires voisins.