mardi 28 novembre 2023

Soupçons d’activités du Hezbollah en Amérique du Sud: ce que l’on sait

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L’arrestation cette semaine au Brésil de deux individus soupçonnés de «préparer des attaques terroristes» a posé de nouveau la question: le groupe islamiste libanais Hezbollah est-il actif en Amérique du Sud? 

Si les autorités brésiliennes n’ont pas donné de détails sur l’enquête, le Mossad a dit avoir contribué à «déjouer un attentat planifié par une cellule terroriste du Hezbollah» au Brésil. Le service de renseignements israéliens a en outre affirmé que des sites liés à la communauté juive au Brésil étaient ciblés.

Ces déclarations ont fait bondir le ministre brésilien de la Justice, Flavio Dino, qui a accusé le Mossad de vouloir «anticiper le résultat d’une enquête en cours  à des fins de propagande politique».

Le Hezbollah, mouvement chiite libanais soutenu par l’Iran, est allié du Hamas, groupe islamiste palestinien engagé dans un conflit sanglant avec Israël depuis un mois.

Voici ce que l’on sait — et ce qui reste à éclaircir –, au sujet de la présence en Amérique du Sud du groupe, que les États-Unis considèrent comme une menace dans la région depuis des années.

Triple frontière

Les soupçons sur la présence du Hezbollah en Amérique du Sud portent surtout sur la région de la triple frontière entre Argentine, Brésil et Paraguay, trois pays où résident de nombreux habitants d’origine libanaise.

La plus grande ville de cette région est Ciudad del Este, métropole paraguayenne à la réputation sulfureuse. Située dans une zone franche où les touristes viennent acheter de l’électroménager détaxé, elle est aussi un pôle du commerce illégal, des DVD piratés aux armes.

Selon le Bureau anti-terrorisme des États-Unis, la région est utilisée comme une base par le Hezbollah pour lever des fonds.

L’ambassadeur américain au Paraguay a affirmé en janvier que le Hezbollah y tenait «régulièrement» des événements où le mouvement islamiste libanais graissait la patte de politiciens paraguayens, y compris l’ex-président Horacio Cartes (2013-2018), en échange de tous types de faveurs. L’entourage de M. Cartes réfute ces accusations.

Crime organisé

Le Hezbollah est accusé de lever des fonds en aidant des gangs locaux à blanchir de l’argent, via des maisons de change tenues par des personnes d’origine libanaise, selon l’agence anti-drogue américaine (DEA).

En 2014, le quotidien brésilien O Globo a affirmé, en citant des rapports de police ayant fuité, que le Hezbollah avait aidé l’un des principaux groupes du crime organisé au Brésil, le PCC, à acheter des armes et vendre des explosifs volés.

Attentat en Argentine

En 2006, des procureurs argentins ont accusé le Hezbollah d’avoir perpétré l’attentat à la bombe le plus meurtrier du pays, en 1994, contre une mutuelle juive (Amia), faisant 85 morts et 300 blessés.

Ces procureurs ont accusé de hauts responsables iraniens d’avoir ordonné l’attentat, mais l’affaire n’a toujours pas été élucidée. Téhéran nie toute implication.

Accusations et mandats d’arrêt

Le gouvernement des États-Unis a accusé plusieurs citoyens sud-américains de financer le Hezbollah, dont le Libano-Paraguayen Assad Barakat, condamné pour blanchiment.

En juin, l’Argentine a demandé à Interpol de lancer une notice rouge pour l’arrestation de quatre Libanais soupçonnés d’être liés au Hezbollah, trois d’entre eux ayant la double nationalité, brésilienne ou paraguayenne.

L’Argentine et le Paraguay qualifient le mouvement chiite libanais d’«organisation terroriste».

«Manque de preuves»

Mais les accusations selon lesquelles la triple frontière serait liée aux mouvements islamistes ont souvent hérissé les autorités des pays concernés. Le Brésil et le Paraguay ont demandé à plusieurs reprises à Washington de fournir des preuves d’éventuelles activités «terroristes».

«Les accusations des États-Unis au sujet de la zone de la triple frontière lors de ces trois dernières décennies ont toujours été caractérisées par l’absence de preuves», a écrit récemment l’experte brésilienne Isabelle Somma de Castro.

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