jeudi 7 décembre 2023

Les puissants champs magnétiques du trou noir supermassif M87* sont révélés sous un nouveau jour

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Les trous noirs supermassifs accrétant de la matière et avec des jets de particules sont parmi les objets les plus énergétiques de l’Univers observable, en particulier quand ils se présentent sous la forme de quasars. Les membres de la collaboration de l’Event Horizon Telescope (EHT) font des progrès continuel pour comprendre ses phénomènes faisant intervenir la rotation des trous noirs et de puissants champs magnétiques. Le dernier progrès concerne la mise en évidence d’émissions de lumière polarisée circulairement.

On sait que, dès 1964, les grands  russes Yakov Zel’dovich et  Igor Novikov, indépendamment et au même moment que leur collègue Edwin Salpeter aux États-Unis (le directeur de thèse d’Hubert Reeves), avaient proposé que les quasars et plus généralement les , soient des  accrétant de la matière ; en 1971, Donald Lynden-Bell et Martin Rees en proposaient même un au cœur de la Voie lactée. Nous avons toutes les raisons de penser que c’est bien le cas, surtout depuis les découvertes des membres de la collaboration Event Horizon Telescope qui, avec un réseau de radiotélescopes à l’échelle de la Terre, ont produit des images montrant l’ombre de l’horizon des événements des trous noirs  et .

Dans le cas de M87*,  on s’en sert comme d’un laboratoire pour tester nos idées sur les  en rotation, les  dont ils s’entourent, les phénomènes d’électrodynamique et de magnétohydrodynamique des plasmas à l’origine de l’ de jets de particules relativistes en particulier. Ce sont des clés pour comprendre les quasars et leurs rôles dans l’évolution des galaxies.

Depuis un certain temps déjà, les chercheurs étudient les  autour de M87* en se basant sur le phénomène de la polarisation de la .

La polarisation circulaire de la lumière

 Il faut savoir qu’une onde lumineuse peut se décrire comme un  qui est sous la forme d’une flèche perpendiculaire à la direction de propagation du rayon lumineux associé à cette onde et qui peut osciller comme un poids au bout d’un ressort. On parle alors de polarisation linéaire de la lumière quand la direction de la flèche reste selon une même droite le long de la propagation de l’onde. Une lumière non polarisée serait décrite par une flèche dont la direction, bien que toujours perpendiculaire au rayon lumineux, varie chaotiquement. Lorsque la flèche oscille tout en tournant régulièrement avec son extrémité sur un cercle, on parle de polarisation circulaire.

La lumière émise par un corps chauffé, comme le , n’est pas polarisée. Mais, en présence d’un champ magnétique ou plus généralement en interagissant avec certains matériaux, par exemple en se réfléchissant sur du verre ou en traversant une roche tel le  d’Islande, elle le devient. Du coup, mesurer la polarisation d’une onde lumineuse peut apporter de précieux renseignements sur l’état du champ magnétique d’un , comme justement le Soleil, ou la structure et les propriétés de la matière traversée.

Aujourd’hui, deux groupes de chercheurs mettent en évidence un autre état de polarisation de la lumière provenant de l’environnement de M87* avec ses champs magnétiques. Ils annoncent en effet la découverte d’émissions de rayonnement circulairement polarisées.

Il y a ainsi à ce sujet un article dont la rédaction était dirigée par Freek Roelofs, chercheur postdoctoral au Smithsonian Astrophysical Observatory (SAO), qui fait partie du Center for Astrophysics | Harvard et Smithsonian (CfA), et un autre article rédigé par les membres de l’Event Horizon Telescope Collaboration. Les deux articles viennent d’être publiés dans The Astrophysical Journal Letters.

On trouve dans un communiqué du Center for Astrophysics | Harvard et Smithsonian (CfA) plusieurs déclarations des chercheurs impliqués dans cette découverte et l’analyse de ses implications.

Des plasmas turbulents et chaotiques

Ainsi, Andrew Chael, ancien membre du CfA et coordinateur du projet de polarisation de l’EHT, actuellement chercheur associé à la Gravity Initiative de l’Université de Princeton, y explique que « la polarisation circulaire est un signal que nous avons recherché lors des premières observations du trou noir M87* par l’EHT, et c’était de loin le plus difficile à analyser ».

Son collègue Ioannis Myserlis,  à l’Institut de Radioastronomie millimétrique (Iram), en donne un peu la mesure : « Le signal en polarisation circulaire est 100 fois plus faible que les données non polarisées que nous avons utilisées pour réaliser la première image d’un trou noir. Trouver ce signal faible dans les données, c’était comme essayer d’écouter une conversation à côté d’un marteau-piqueur. Nous avons dû tester soigneusement nos méthodes pour déterminer à quoi nous pouvions vraiment faire confiance ».

Le but était de tester des calculs théoriques aussi bien que des simulations de  prédisant les  des plasmas dans les champs magnétiques plongés dans le champ de  d’un trou noir en rotation.

« C’est merveilleux de comparer directement nos simulations à ces observations de pointe. Ensemble, ils dressent le tableau d’un environnement chaotique et violent juste en dehors de l’horizon des événements, où les champs magnétiques, la  et le plasma chaud interagissent fortement les uns avec les autres », précise à ce sujet Abhishek Joshi, étudiant diplômé à l’Université de l’Illinois.

« Les observations de polarisation circulaire renforcent notre confiance dans le fait que les champs magnétiques sont suffisamment puissants pour repousser de la matière tombant sur le trou noir et aider à lancer les puissants jets de plasma que nous voyons s’étendre dans toute la galaxie M87 », ajoute Angelo Ricarte, chercheur postdoctoral au CfA et membre de la Harvard Black Hole Initiative.

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