Même à 84 ans, Holger Sjögren démêle agilement les noeuds de son filet de pêche qu’il fait ensuite descendre dans les profondeurs troubles de la Baltique.
Cinquième génération d’une famille de pêcheurs, M. Sjögren pêche depuis cinq décennies le hareng au large de Kotka, ville du sud-est de la Finlande.
Dans le port, des dizaines de clients fidèles attendent impatiemment son retour pour lui acheter, à bord même du bateau, la prise du jour.
Ce joyeux négoce risque de se faire plus rare.
Au fil des décennies, la mer Baltique, nichée entre les pays industrialisés d’Europe du Nord, est devenue l’un des écosystèmes marins les plus pollués de la planète.
En octobre, l’Union européenne a décidé de sabrer de 43% les quotas de harengs autorisés dans ces eaux en 2024.
Or, le hareng représente environ 80% des prises annuelles de poisson en Finlande.
«Beaucoup craignent de devoir jeter l’éponge», assure Holger Sjögren.
Disparition d’espèces
Avec des populations en chute libre depuis les années 1970, le hareng de la Baltique pourrait connaître le même sort que de nombreuses autres espèces qui ont presque disparu de la région.
La Baltique est caractérisée par des eaux peu profondes et donc particulièrement vulnérables au changement climatique. Sa superficie est comparable à celle de la mer Noire, mais en volume, cette dernière contient jusqu’à 20 fois plus d’eau.
La hausse des températures et la baisse de la salinité -elle-même due à l’augmentation des précipitations et à la diminution de l’afflux d’eau en provenance de l’océan Atlantique- menacent de nombreuses espèces qui peinent à s’adapter.
«Plus la mer Baltique se transforme en lac, plus la situation sera néfaste pour les espèces marines», explique Jukka Pönni, chercheur à l’Institut finlandais des ressources naturelles (LUKE).
À mesure que la Baltique perd en salinité, de grandes espèces d’eau salée, telles que le cabillaud, souffrent de plus en plus.
Dans les années 1980, la population de morue atteignait des niveaux record mais elle s’est effondrée en l’espace de quelques décennies, à tel point que l’Union européenne a dû interdire d’urgence sa pêche en 2020.
L’esturgeon noir, autrefois abondant, a lui aussi disparu à cause de la pollution et de l’obstruction de ses rivières migratoires.