mercredi 6 décembre 2023

Percée majeure pour vaincre la résistance bactérienne

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La résistance d’un nombre croissant de bactéries aux antibiotiques actuels représente une des plus graves menaces à la santé humaine. La découverte d’un nouvel antibiotique actif contre ces bactéries résistantes pourrait représenter une véritable révolution dans notre combat contre ce fléau.

L’introduction des antibiotiques a révolutionné la médecine en procurant un traitement efficace contre plusieurs maladies infectieuses qui étaient autrefois mortelles, ainsi qu’en permettant des avancées majeures dans la chirurgie et la transplantation d’organe.  

Malheureusement, les bactéries n’avaient pas dit leur dernier mot, car on assiste depuis quelques décennies à l’émergence de plusieurs souches qui ont développé une résistance à certains ou plusieurs de ces médicaments, menaçant d’annuler les progrès réalisés dans le traitement des infections.  

Selon les experts, cette résistance bactérienne aux antibiotiques est actuellement responsable de 5 millions de morts chaque année dans le monde et doit être considérée comme une des principales menaces pour la santé publique au 21e siècle (1).

Source tarie

Les bactéries sont très abondantes dans la terre, avec une densité de 10 milliards par gramme de terre, et une diversité de plusieurs milliers d’espèces. Ces bactéries compétitionnent entre elles en produisant des antibiotiques pour tuer les autres espèces, selon les principes de l’évolution darwinienne.  

La plupart des antibiotiques utilisés en clinique ont d’ailleurs été découverts à partir de cultures en laboratoire de bactéries qui vivent abondamment dans le sol, une approche qui a permis la découverte d’antibiotiques très performants comme la streptomycine, la vancomycine, ou la tétracycline. Cependant, cette source s’est tarie au fil du temps et très peu de nouveaux antibiotiques prometteurs ont pu voir le jour au cours des dernières décennies.  

Cette stratégie basée sur la culture en laboratoire de bactéries a le désavantage d’ignorer la très vaste communauté bactérienne qui ne peut être cultivée dans des conditions standards des laboratoires. Ces bactéries non cultivables comptent pourtant pour plus de 99 % des espèces bactériennes existantes et représentent en conséquence une source inexploitée de molécules bioactives de nouvelle génération pouvant interférer avec la croissance bactérienne.

Nouveau mécanisme d’action

Des avancées récentes suggèrent que l’étude de ces bactéries non cultivables pourrait considérablement bonifier notre arsenal d’antibiotiques pour le traitement des infections. Par exemple, cette approche a permis d’isoler trois molécules (teixobactine, lassomycine et amylobactine) possédant des structures biochimiques uniques qui bloquent la croissance bactérienne par des mécanismes d’action inédits, beaucoup moins susceptibles de provoquer l’émergence de bactéries résistantes.

Le bien-fondé de cette approche vient d’être confirmé par les résultats d’une étude récente portant sur une bactérie de l’environnement très rare (Eleftheria terrae) (2). Dans cette étude, les chercheurs sont parvenus à obtenir des colonies de la bactérie après une incubation très longue (12 semaines) dans un milieu nutritif spécialement adapté. L’analyse des molécules produites par cette bactérie a révélé la présence d’une nouvelle molécule possédant des caractéristiques uniques, qu’ils ont nommée clovibactine.

Les essais réalisés indiquent que la clovibactine possède une activité antibactérienne contre un large éventail d’agents pathogènes à Gram positif, notamment les souches de S. aureus résistantes. 

Cette action antibiotique est le résultat d’un nouveau mode d’action, inconnu jusqu’à maintenant, sur trois molécules essentielles à la synthèse des parois qui entourent les bactéries et qui sont nécessaires à leur survie.  

Le mécanisme est fort complexe, mais disons simplement que la clovibactine se lie spécifiquement à une molécule commune (pyrophosphate) aux précurseurs de la paroi cellulaire, formant des filaments à la surface qui séquestrent ces précurseurs et empêchent ainsi la formation de la paroi bactérienne. L’intérêt de ce mécanisme est que le pyrophosphate est un intermédiaire métabolique qui ne possède aucun équivalent et ne peut donc être remplacé. 

La bactérie ne peut donc pas simplement acquérir une mutation qui lui permettrait de contourner l’action de la clovibactine, réduisant drastiquement la possibilité de développement d’une résistance à cet antibiotique.  

Ces résultats prometteurs suggèrent que la solution au problème de la résistance aux antibiotiques est à notre portée. Un autre exemple du génie humain à trouver dans la nature qui l’entoure les remèdes aux maux qui l’affligent.

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