dimanche 10 décembre 2023

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La firme McKinsey a participé à l’écriture d’un important rapport des Nations unies sur le financement de la lutte contre le changement climatique. Elle envoie des délégations dans les COP sur le climat, commandite la « Climate Week » à New York, et ses analyses sont utilisées par plusieurs gouvernements qui souhaitent parvenir à la carboneutralité. Toutefois, cette firme de consultants conseille également les plus grands pollueurs de la planète, ce qui soulève des inquiétudes quant aux conflits d’intérêts potentiels.

Le 1er décembre 2022, quelques jours avant la tenue de la COP15 sur la biodiversité à Montréal, le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) a publié un communiqué de presse qui indiquait que le financement de solutions basées sur la nature devra atteindre 484 milliards de dollars par année d’ici 2030 si les États veulent limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré Celsius.

Le PNUE a fait cette recommandation en citant le rapport State of Finance for Nature 2022.

Trois employés de Vivid Economics, une entreprise qui appartient à McKinsey, font partie des experts qui ont participé à la rédaction de ce rapport onusien.

C’est comme si le fabricant de cigarettes Philip Morris écrivait une analyse pour l’administrateur de la santé publique, a réagi l’ancien consultant de McKinsey Erik Edstrom en entrevue avec La Presse canadienne.

L’analyse n’est peut-être pas nécessairement mauvaise, mais on a fait appel à une firme qui va rendre encore plus faible la probabilité de maintenir les émissions deGES en dessous des cibles, car cette firme de consultants va ensuite créer toutes sortes de graphiques et de prévisions et fournir des avantages stratégiques aux sociétés d’extraction du charbon et aux grandes entreprises de combustibles fossiles, a indiqué M. Edstrom, qui a été consultant en environnement en Australie pour la firme McKinsey pendant un an et demi. Quand l’ONU engage McKinsey, elle engage une firme qui est hypocrite.

Une citation deErik Edstrom, ancien consultant en environnement en Australie pour la firme McKinsey

Veut-on vraiment embaucher quelqu’un qui va travailler contre nos propres objectifs dès le lendemain avec une équipe beaucoup plus nombreuse? a demandé M. Eldstrom, qui a ajouté que McKinsey aide des entreprises qui « turbopropulsent » les impacts des changements climatiques.

McKinsey a conseillé 43 des 100 plus grands émetteurs de GES

Le livre When McKinsey Comes to Town, écrit par deux journalistes du New York Times, nous apprend que parmi les 100 plus grands émetteurs de gaz à effet de serre de la planète depuis 50 ans, McKinsey en a conseillé au moins 43 depuis 2010, dont BP, Exxon Mobil, Gazprom et Saudi Aramco, ce qui a généré des centaines de millions de dollars de profits pour ces entreprises. La Presse canadienne a demandé à McKinsey si ces données étaient exactes, mais la firme n’a pas répondu.

Selon les autorités du comté de Multnomah, en Oregon, McKinsey ne se contente pas de conseiller les grandes pétrolières pour qu’elles fassent plus de profits : cette firme new-yorkaise a aussi aidé ExxonMobil, Shell, Chevron, BP et d’autres pétrolières à tromper la population au sujet des changements climatiques.

Le comté de Multnomah poursuit plusieurs pétrolières et la firme McKinsey pour qu’ils sient tenus responsables d’un épisode climatique extrême survenu en 2021 : une vague de chaleur qui a tué 69 personnes.

McKinsey a coordonné et soutenu une campagne délibérée de désinformation visant à minimiser et/ou à nier carrément la relation causale entre les émissions de GES de ses clients et les événements météorologiques extrêmes, peut-on lire dans la poursuite.

Alors que les gouvernements et les entreprises du monde entier sont de plus en plus sous pression pour répondre à la crise du climat et de la biodiversité, nous avons assisté à une augmentation considérable des services et des produits proposés par le secteur du conseil, y compris McKinsey, qui a investi massivement dans ce domaine, notamment en créant une nouvelle division, McKinsey Sustainability, et en acquérant de plus petits cabinets-conseils, a indiqué la coauteure du livre The Big Con, une enquête sur la place qu’occupent les firmes de consultants dans la sphère politique.

 

 
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