L’économie chinoise s’appuie sur trois piliers : les exportations, l’investissement dans les infrastructures et l’immobilier, et enfin la consommation des ménages, explique au téléphone Victor Shih, directeur du Centre sur la Chine du 21e siècle à l’École de politique et de stratégie mondiales de l’Université de la Californie à San Diego.
Or, ces trois supports sont grippés. Les exportations sont en baisse, l’investissement immobilier est au plus bas et la consommation est très faible. Dans tous les domaines, il y a des faiblesses
, note M. Shih.
Après 40 ans de croissance, l’économie chinoise est entrée dans une phase de ralentissement
, estime pour sa part Philippe Aguignier, chercheur associé au programme Asie à l’Institut Montaigne et professeur d’économie chinoise à l’Institut national des langues et civilisations (INALCO), joint à Taipei.
Premier problème : le dégonflement de la bulle immobilière, un secteur qui représente environ le quart du PIB chinois. Les ennuis de grands promoteurs comme Evergrande et, plus récemment, Country Garden, font craindre le pire aux investisseurs.
La Chine essaie de réorganiser son économie en s’appuyant de plus en plus sur l’industrie manufacturière. Mais les produits manufacturés chinois dépendent principalement du marché de l’exportation. Et puisque l’économie mondiale tourne au ralenti, aucun des principaux moteurs de la croissance ne fonctionne particulièrement bien, note Victor Shih.
Je doute que la Chine puisse atteindre à nouveau une croissance de 6 % à l’avenir. Il y aura une croissance, mais elle sera dans une fourchette nettement inférieure à celle à laquelle nous sommes habitués, de l’ordre de 3 % à 4 %.
Un avis partagé par Philippe Aguignier, qui ne pense pas que l’objectif officiel de 5 % de croissance pour 2023 soit réalisable.
Les risques d’une crise financière à court terme en Chine ne sont pas là encore, mais une croissance faible pendant une période durable, ça, c’est un vrai risque,
souligne-t-il.
La responsabilité du gouvernement chinois
Plusieurs analystes blâment le gouvernement de Xi Jinping pour sa réponse inadéquate à la crise.
L’économiste américain Adam Posen, président du Peterson Institute on International Economics (PIIE), estime notamment dans un article publié dans la revue Foreign Affairs que l’ingérence arbitraire
du gouvernement dans la vie quotidienne des Chinois a fait voler en éclats l’entente tacite selon laquelle dans la mesure où ils ne se mêlaient pas de politique, ils pouvaient vaquer à leurs affaires et s’enrichir.
Ce pacte a été remis en question avec les stricts confinements liés à la politique zéro COVID
.
De nombreux petits commerces de détail, comme des vendeurs d’aliments, des magasins de vêtements ou des magasins de jouets, ont été très durement touchés par la politique zéro COVID, explique Victor Shih. Des millions de ces petites entreprises ont fait faillite.
Résultat : les Chinois font moins confiance au gouvernement. Inquiets pour l’avenir, ils préfèrent épargner et ne répondent pas aux mesures pour les pousser à dépenser ou à réinvestir dans l’immobilier.
Le secteur privé a, lui aussi, été touché. Le resserrement des règles encadrant les entreprises de l’Internet et du numérique, ainsi que celles de l’éducation et du tutorat en ligne, a coûté très cher à certaines de ces entreprises, auparavant très dynamiques. En juillet, Pékin s’est également attaqué aux services de santé privés, avec un discours qui met l’accent sur le bien commun plutôt que sur le profit.
Il y a donc un mouvement à la baisse, et personne ne s’attend à un retour à un taux de croissance dans les deux chiffres. Rien n’indique, cependant, que la dégringolade va continuer pendant des années, souligne M. Lardy.
S’agit-il d’une tendance à la baisse qui va se poursuivre? Peut-être, mais je ne pense pas que les faits soient tellement probants.
De récents indicateurs, qui révèlent une diminution de la valeur des importations et une faible consommation des ménages, sont à relativiser, estime M. Lardy. Ces statistiques, estime-t-il, doivent être analysées dans leur contexte très spécifique et ne dénotent pas de tendance à la baisse à long terme.
La hausse des revenus personnels combinée à une diminution du taux d’épargne signifie, selon lui, que la consommation des ménages va probablement augmenter.