Reportage réalisé par : Laïla BOUZID*
À proximité de la poste et entre l'avenue Lalla Asmae et l’avenue Abdellah Ben Yassine, se trouve «Souk Tabriquet», l’un des marchés des fruits et légumes les plus connus de Salé. En ces jours bénis du mois de Ramadan, et quelques heures avant le ftour, les gens se précipitent pour remplir leurs sacs de courses afin de satisfaire leurs besoins culinaires. Ce vendredi 17 juin, à 15h05, le souk est bien agité!
Les plus nantis de la société viennent débourser leurs portefeuilles deux fois plus que d’habitude tandis que les plus pauvres espèrent le moindre petit morceau de pain pour rompre leur jeûne. Ici, hommes, femmes et enfants, toutes classes sociales confondues, s'y côtoient à l’exception des personnes les plus aisées qui fréquentent les supermarchés et les grandes surfaces qui sont à leur avis assez chics et plus ou moins propres.
En faisant le tour du marché, plusieurs vendeurs ambulants font leur apparition. Ils sont là entrain de parler, de crier, et de négocier les prix avec les clients. Chacun d’eux expose sa marchandise dans les meilleures des états afin d’attirer les acheteurs et susciter leur désir. On dit que l’œil désire avant le ventre et le ventre affamé n’a pas d’oreille ! C’est la meilleure stratégie préconisée par les vendeurs pour gagner le maximum de sous. Un bel affichage, une odeur succulente et quelques mots bien choisis et Hop, client dans la poche.

Tout au long du souk, à droite et à gauche s’affichent des variétés de fruits différents (des pêches, des pommes, des bananes, des abricots, des pastèques..) bien mûrs, bien colorés qui stimulent l’appétit et donnent envie de manger.
Ahmed (47 ans), l’Amine des marchands (ou syndic) affirme : «durant le mois sacré, les gens qui fréquentent le marché sont beaucoup plus nombreux par rapport aux autres mois de l’année. On a une grande variété de fruits, qui sont les plus consommés que les autres produits alimentaires, en raison de leur fraîcheur et leur goût succulent, surtout avec cette chaleur infernale. Les prix sont un peu plus élevés suivant les tendances générales du marché de gros. D’un autre côté, c’est le pouvoir d’achat des citoyens qui régit les prix de vente. En ce qui concerne notre gain, je ne peux rien assurer ni moi ni mes confrères qui sont assis là à côté de vous, tout ce que je peux dire c’est que je vis au jour le jour et j’attends ma part avec patience louant notre Dieu en tout temps et pour chaque chose, qu’elle soit bonne ou mauvaise ».
Un peu plus loin, à côté de sa camionnette remplie de pastèques, Mohamed (66 ans) est assis au coin d’un arbre, un bâtonnet à la main et la tête pleine de préoccupations. Beaucoup de problèmes semblent lui tenir à cœur.
«Les recettes sont faibles ce mois-ci, chaque jour je remarque qu’il y a moins de gens qui viennent ici. La concurrence a détruit notre procédure de vente, en conséquence les gains sont en baisse perpétuelle. Les gens sont noyés sous leurs dettes ce qui fait qu’ils n’ont pas assez d’argent pour s’offrir tout ce qu’ils désirent surtout avec cette flambée des prix. Certes c’est le marché le moins cher de Salé mais la qualité est indiscutable, nous ne vendons que du frais ».
Une femme d'une trentaine d'années passe par là et semble attirée par l’odeur fruitée qui règne dans le coin. Elle demande au monsieur le prix d’une pastèque. Celui-ci lui répond : « 50 DH ma bonne dame ». La femme est étonnée. « J’ai visé la plus petite d’entre ces pastèques, elle pèse 10 kg, ce n’est pas grand-chose mais avec ce prix là, je pourrais bien m’acheter plein d’autres fruits. Qui plus est, de variétés différentes» réplique-t-elle.
Désespéré, Mohamed se rassoit, regarde à travers l’horizon, avec en face de lui une grande surface de terre plate inexploitée et dit avec amertume : «Tout ça et ils veulent encore nous forcer à quitter les lieux. Des responsables d’Etat nous avaient prévenu de quitter cette place juste après le mois sacré. Ils disent que cette terre appartient à ses propriétaires et que nous devrions chercher un autre espace pour gagner notre vie». Il termine sa phrase avec un grand souffle découpé en disant : «Al hamdou li Allah dans tous les cas».
*Journaliste stagiaire