vendredi 29 mars 2024

Algérie. L’arrestation de Karim Tabbou révolte les Algériens

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Figure emblématique du Hirak en Algérie, Karim Tabbou a été arrêté après s’être indigné, via Facebook, en réaction au décès de Hakim Debbazi en prison suite à son arrestation, lui aussi, pour la publication de posts anti-régime algérien sur le même réseau social.

Karim Tabbou s’ajoute aux 300 détenus politiques qui sont jetés dans les prisons algériennes en lien avec le Hirak ou la défense des libertés individuelles, selon une récente estimation du Comité national algérien pour la libération des détenus (CNLD).

Âgé de 51 ans, le nouveau prisonnier d’opinion est le leader de l’Union démocratique et sociale (UDS), parti d’opposition non autorisé par le régime algérien. Fervent protestataire au sein du Hirak, il a été arrêté vendredi soir, 29 avril 2022, à son domicile, selon diverses organisations algériennes de défense des droits humains.

 Son incarcération est intervenue trois jours après sa publication sur Facebook dénonçant le décès en prison de Hakim Debbazi. Ce dernier, écrit Tabbou, a rendu l’âme à la prison de Koléa et a été enterré hier, jeudi 28 avril, au cimetière de Hadjout (ouest de l’Algérie). «Il a quitté l’enfer carcéral pour le paradis céleste», commente-t-il dans sa tribune entamée par cette phrase : «Morts physiquement, les martyrs des causes justes sont plus que vivants».

Karim Tabbou raconte ainsi la triste histoire de Hakim Debbazi, 55 ans. «Il était un enfant du peuple, un modeste et humble citoyen, père de trois enfants qui s’était engagé corps et âme dans le Hirak. Très vite, il a pris sur ses frêles épaules, tout le poids des revendications exprimées dans le Hirak où il en devient un des principaux animateurs dans sa localité.

Conscient des affres de la misère que faisait endurer le pouvoir à la population, il voulait et il croyait au changement. Le 18 avril dernier, il décéda à la prison de Koléa où il a été arbitrairement incarcéré pour de fallacieux prétextes. Les autorités ont annoncé à sa famille que Hakim est décédé des suites  »d’un arrêt cardiaque dû à une grave déficience respiratoire ».

Bien sûr que le pouvoir demeure et demeurera le seul et unique responsable de sa mort. Il répondra demain de toutes ces turpitudes et forfaitures.»

Tabbou prévient que l’ombre de Debbazi, même mort hantera l’esprit de tous ceux qui de près ou de loin ont provoqué cette tragique disparition. Il ajoute : «hier, à Hadjout, sa ville natale, ils étaient nombreux à l’accompagner à sa dernière demeure. L’émotion, la compassion, la peine et la fureur se lisaient sur les visages, exception faite pour ces ‘‘pseudos photographes’’ qui prenaient des photos non pas pour immortaliser ce triste évènement mais pour épier et pister les militants présents. En fait, ces pseudos photographes étaient des envoyés spéciaux !».

Le chef de l’UDS affirme qu’encore une fois, la preuve est donnée que le pouvoir est aux aguets. «Il se sent menacé, il a peur du citoyen dans la rue, sur les lieux du travail et même dans les cimetières».

Tabbou lance à la fin de son pamphlet cette mise en garde qui a dû faire trembler les murs du palais d’El Mouradia : «Gardons le sens de son sacrifice, restons constants et continuons notre combat pour l’avènement d’un Etat de Droit. Repose en paix Hakim, ton combat ne sera pas vain».

Quelques heures après la mise en ligne de cette publication, La Ligue algérienne des droits de l’homme (LADDH) a annoncé l’arrestation de Tabbou. «Halte à l’instrumentalisation de la justice, l’opinion n’est pas un délit», a réagi le CNLD sur Facebook.

Karim Tabbou a été déjà arrêté et condamné en mars 2020. Il avait déjà purgé une peine d’un an de prison pour «atteinte à la sûreté nationale», en raison d’une vidéo sur la page Facebook de son parti où il critiquait l’ingérence de l’armée dans les affaires politiques.

Le cas de ce militant montre que la répression ne change rien à la détermination des militants algériens dans leur lutte pour l’avènement d’un «Etat civil» à la place de «l’Etat militaire» en place. Une nouvelle révolte a déjà lieu via les réseaux sociaux.

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